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Carl Heinrich Reinecke (1824-1910)
La postérité serait-elle oublieuse ? Qui joue encore aujourd'hui les œuvres de Carl Reinecke ? Les flûtistes ont inscrit depuis plusieurs décennies à leur répertoire la sonate "Ondine", mais les quelques trois cents Opus (288 œuvres publiées de son vivant) qui constituent son œuvre méritent beaucoup mieux que l'oubli quasi général dans lequel ils sont tombés. De neuf ans l'aîné de Johannes Brahms, Carl Reinecke est né en 1824 à Altona, près de Hambourg. Son père, célèbre théoricien, auteur de plusieurs ouvrages sur la musique faisant autorité, lui donna une solide éducation de pianiste et de compositeur. En 1845, il entreprit une brillante tournée européenne, se faisant entendre à Danzig, Riga, Leipzig, où Mendelssohn, Liszt et Schumann le recevront chaleureusement. A Paris, il donnera des leçons de piano à Blandine et Cosima, les deux filles de Liszt, qui décriront son jeu comme sensible et "lyrique". Nomme pianiste de la Cour à Copenhague en 1846, ses récitals et ses concerts avec le violoniste Heinrich Wilhelm Ernst resteront célèbres.
Carl Reinecke a composé pour tous les genres musicaux existant à son époque; si ses ouvrages lyriques, au nombre de six, ont été diversement appréciés, c'est dans la musique de chambre de chambre et le piano qu'il a sans doute donné la meilleure image de son talent; certes, l'influence qu'ont exercée sur lui Mendelssohn et Schumann est indéniable, mais l'originalité de ses mélodies confère à sa musique beaucoup de personnalité.
Le Trio Op. 264 en La Majeur fut composé en 1903 à Leipzig et créé le 30 janvier 1904 dans la petite salle du Gewandhaus avec le compositeur au piano, Edmund Heyneck à la clarinette et Alexander Sebald à l'alto. Le troisième mouvement, Légende, illustre parfaitement le climat poétique cher au compositeur, qui fut aussi un peintre et un poète de talent. Les deux mouvements extrêmes, solidement charpentés, s'inscrivent dans la grande tradition germanique de la forme sonate et peuvent prétendre rivaliser avec les œuvres similaires de Brahms; quand à l'intermezzo dont le thème semble issu d'une mélodie populaire, c'est une pièce pleine de charme et de couleur dans laquelle alto et clarinette mêlent leur sonorité.
Georges Boyer. D.R.
Robert Schumann (1810-1856)
Robert Schumann est né le 8 juin 1810 à Zwickaü en Saxe. Son père était libraire et sa mère musicienne. Poussé par son père, il prit ses premières leçons de piano à l'âge de 7 ans. Rapidement, il composa de petites pièces. Son père l'initia également aux poètes allemands, qui l'influencèrent par la suite beaucoup dans ses compositions, particulièrement les poètes Jean-Paul Richter et Hoffmann. Robert Schumann est reconnu comme un compositeur romantique par excellence, où la poésie elle-même se fait musique. Alors que chez Chopin, la musique représente l'essence même de son existence et chez Liszt, un moyen d'exprimer son incomparable virtuosité, avec Schumann il en va tout autrement. Son œuvre musicale se substitue à l'œuvre littéraire qu'il n'a pas écrite. Son originalité se situe dans la complexité polyphonique et rythmique, et la richesse des nuances.
Après son mariage en 1840 Robert Schumann composa plus de 200 lieders et se voua principalement à la musique de chambre et à la musique symphonique ou concertante. Il ne composa de nouveau pour le piano qu'en 1849 (Scènes de la forêt, Quatre marches, Fantasiestücke). Les œuvres de cette période ont un caractère rétrospectif et nostalgique en regard des années heureuses de l'enfance.
Les Fantasiestücke, composées en 1849 pour piano et clarinette en la, se composent de trois mouvements. Chaque page est construite en forme de lied avec coda intensément lyrique. On découvre ici les mélodies asymétriques et les doublures au piano qui sont une des caractéristiques du dernier Schumann.
1. Zart und mit Ausdruck (Tendre et avec expression) : révèle un climat mélancolique où la tendresse de la mélodie s’efface devant la passion contenue. 2. Lebhaft, leich (Vif et léger) : un esprit scherzo nimbé de la lumière douce d’un la majeur enjoué. 3. Rasch und mit Feuer (Énergique et avec feu) : un sommet de romantisme et de passion.
Mikhaïl Ivanovitch Glinka (1804-1857)
Né dans la région de Smolensk en 1804 d’une famille de petite noblesse férue de culture occidentale, Mikhaïl Glinka apprend la musique dès son plus jeune âge. De 1830 à 1833, il séjourne en Italie où il étudie le bel canto et écrit des pièces de musique de chambre dont son chef d’œuvre du genre : le trio pathétique pour piano, clarinette et basson (ou violoncelle). Après son retour en Russie, suite au décès de son père, il s’essaie à la symphonie, tout en travaillant à son premier opéra Ivan Soussanin créé en 1836. Mais c’est le second « Russlan et Ludmilla » en 1842 qui le consacre créateur de l’école lyrique russe. Il laisse des opéras, pièces orchestrales, mélodies qui vont influencer toute l’école russe tant nationaliste (groupe des cinq) que cosmopolite (Tchaïkovski ainsi que Prokofiev et Stravinski). Sa musique de chambre, comme sa musique de piano, forme plus une suite de pièces de « style d’époque » à son usage qu’une volonté originale de création.
Le trio pathétique, en ré mineur, fut composé en 1832 alors que M. Glinka souffrait de défaillances autant physiques que sentimentales. Cette pièce fut créée en 1833 à Milan par le compositeur au piano et deux solistes de la Scala qui s’exclamèrent à l’audition de ce trio pathétique : « mais c’est du désespoir ! ». Composé de 4 mouvements, le trio se présente sous la forme d’une fantaisie en un seul mouvement, - les trois premiers étant pratiquement enchaînés et formant un chant cyclique oscillant entre un pathétique douloureux et un lyrisme plus intériorisé, avec quelques échappées vers la lumière et vers l’espoir.
Max Bruch (1838-1920)
Né à Cologne (Köln, Allemagne) le six janvier 1838. Sa mère est soprano et professeur de musique. Son père est homme de loi. Après avoir reçu une première approche musicale par sa mère, Bruch suit l'enseignement de Breidenstein (Bonn). À quatorze ans, il obtient une bourse de la fondation Mozart à Francfort, ce qui lui permet l'accès à des professeurs prestigieux, comme Carl Reinecke, Ferdinand Hiller,..., avec lesquels il travaille pendant quatre ans. C'est à cette période qu'il écrit une première symphonie.
Après s'être installé à Mannheim en 1863, il y est nommé chef d'orchestre, comme il le sera à Berlin (1870), etc. Pendant cette période active, il compose entre autres son premier Concerto pour violon en sol mineur (1864). Joseph Joachim, le violoniste renommé, aidera Bruch à remanier cette œuvre qui assurera finalement à son auteur une certaine considération dans le monde. Il écrit également un opéra, Hermione, des pièces profanes, etc. En 1880, connu en Europe, il est nommé chef d'orchestre à Liverpool. Il compose une œuvre qui remporte un succès : la Fantaisie écossaise pour violon et orchestre et Kol Nidrei, longue méditation au violoncelle bâtie sur des mélodies hébraïques destinée à la communauté juive de la ville. De retour dans son pays vers 1883, il devient directeur musical de l'orchestre de Breslau, puis, sept ans plus tard, il obtient une chaire de composition à Berlin. Il abandonnera ce poste en 1910. En 1918, il est nommé "Docteur en philosophie" à l'Université de Berlin.
Le 2 octobre 1920, Bruch décède à Berlin. Son principal regret fut sans doute de n'avoir été connu presque exclusivement que grâce à son fameux concerto pour violon, mais, à sa mort (il avait 82 ans), après avoir vu défiler les carrières de compositeurs comme Richard Wagner, Franz Liszt, et de bien d'autres précurseurs, il a fait montre d'un certain esprit conservateur ou passéiste en se bornant à une fidélité esthétique et académique.
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